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ÉDITORIAL

 

L’AMOUR, LA GLOIRE, ET QUOI ENCORE ?

Affiche

 

Nous autres les petits, les obscurs, les sans-grade, nous nous faisions une raison : vivre heureux et discrets, dans une simplicité de bon aloi.

Et puis nous est venue la nouvelle injonction, née des soaps opéras, des médias à paillettes, de la société du spectacle : devenir tous beaux, tous glorieux, tous désirables.

Comment gérer cette gloire en kit, ce glamour à consommer en masse ?

Bonne question à poser aux cinéastes documentaristes.

Leurs réponses, et c’est heureux, vont au-delà de l’attendu.

Certains se régalent à décaper ces modèles en toc, font œuvre salubre en démontant les nouveaux idéaux des winners, managers et autres seigneurs de la guerre économique.

D’autres relèvent un singulier défi : et si ces termes gardaient un sens, au-delà du détournement dont ils ont fait les frais, en ces temps de marchandisation de toutes les valeurs traditionnelles ?

Et si aimer restait une aventure originale et personnelle, affaire de prise de risque et de conscience ?
Aimer malgré le handicap, malgré les barrières idéologiques et sociales, aimer l’autre, l’étranger, le réprouvé, pour se découvrir soi-même ?

Et si on restituait au mot gloire son sens ancien, celui qu’au grand siècle se donnaient les héros de Corneille ? Un sens très voisin de celui de l’honneur, qui incite l’intéressé à vivre sans bassesse, sans céder aux compromissions si souvent présentées comme inévitables…

Nos amis documentaristes ont trouvé, parmi nos contemporains, nombre de ces héros-là ; sans subordonner leurs actes à l’espoir de réussir, en posant simplement que se battre quand même vaut dignité et raison de vivre, ils font faire à notre thème une heureuse culbute : par delà l’ironie, la satire, la dérision, ils réhabilitent des termes trop longtemps dévoyés.

Et puis il fallait parler aussi de ce qui reste, ce qui reste quand en apparence il n’y a plus rien, parce qu’on aurait tout perdu ; parias des prisons et des bidonvilles, damnés des mines à ciel ouvert, ils parlent justement de ce reste, ce reste qu’on ne peut nommer parce qu’irréductible à tout inventaire, et qu’on nomme quand même, dans un latin de cuisine et de pages roses, « et cetera *… »


* Rappelons à nos chers amis puristes que le dictionnaire a conservé deux orthographes : « et caetera » et « et cetera ». Seule la seconde respecte le sens étymologique ; la première n’est qu’une coquille de moines de la fin du Moyen-Âge, ne veut strictement rien dire…